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Faut il Parler La Francarabia

Pour avoir enseigné durant presque 17 ans au pays, je pense que je peux, un petit chouia, vous donner mon avis sur le problème de la langue parlée en Algérie ou tout au moins ce que “les milieux autorisés” désignent comme langue OFFICIELLE. D’abord, qu’est-ce qu’une langue ? Si ce n’est qu’un instrument de savoir, un véhicule de l’expression, de la culture, des arts entre personnes. C’est tout au moins ce qui nous différencie des animaux… Quoi que je ne suis pas sûr ce point.

Pour avoir enseigné durant presque 17 ans au pays, je pense que je peux, un petit chouia, vous donner mon avis sur le problème de la langue parlée en Algérie ou tout au moins ce que “les milieux autorisés” désignent comme langue OFFICIELLE.

D’abord, qu’est-ce qu’une langue ? Si ce n’est qu’un instrument de savoir, un véhicule de l’expression, de la culture, des arts entre personnes. C’est tout au moins ce qui nous différencie des animaux… Quoi que je ne suis pas sûr ce point. Oui, les cris des animaux, pourquoi sont-ils différents selon qu’ils se bagarrent, qu’ils discutent calmement, qu’ils font les beaux (pour les mâles) pour conquérir la dulcinée et que sais-je encore ?

Non, j’ai été et je reste outré par la gestion de ce point important. Oui, j’ai été outré et même quelque fois malade de savoir que nous allions nous engager dans une voie sans issue. Je me préparais juste à couvrir ma tête pour amortir le choc car le mur auquel nous nous dirigions était tout près.

D’abord, je ne comprends pas, même maintenant que le choix de la langue pour une nation tout entière soit dévolu à un seul homme ou à un groupe d’hommes. Pour l’Algérie, l’histoire retiendra que l’arabe a été imposé comme langue par le regretté BOUMEDIENE. Non, je ne comprends pas que BOUMEDIENE, dans un moment d’inspiration soudaine ai décrété que l’arabe devait être la langue officielle. Je reviendrais sur ce concept de langue officielle mais attardons-nous un petit peu sur cette image scannée, j’allais dire définitivement dans l’esprit de tous mes contemporains algériens.

Arrêtons d’accuser un seul homme. Sans vouloir m’immiscer en défenseur de BOUMEDIENE, il avait assez de compétences pour se défendre tout seul, et il nous l’avait prouvé pour le faire de son vivant comme un grand, comme le grand qu’il était.

Attention, ne dévions pas le débat. J’ai été contre quelques décisions de BOUMEDIENE, on y reviendra dans un autre débat, mais celui d’aujourd’hui concerne la langue. Mais, tout de même, oui BOUMEDIENE a eu une culture imprégnée de l’arabe, oui il a fait ses études à Tunis et au Caire ensuite, oui il aimait l’arabe, mais qui n’aimerait pas l’arabe en tant que langue. Quand j’écoute OUM KELTOUM, vous pouvez tenter de me distraire par n’importe quel vocable, je reste sourd à vos provocations, MAIS, oui un grand MAIS, posons d’abord les jalons de notre histoire récente et vous verrez que ceux qui ont voulu institutionnaliser l’arabe en Algérie comme langue nationale et officielle se sont trompés et le pire dans cette mascarade est qu’ils ne le reconnaissent pas. Enfin, jusqu’à arabiser phonétiquement le nom de nos villes et villages, à croire qu’ils voulaient simplement créer une zizanie entre les Algériens. Oui, sur ce point, ils ont réussi mais à quel prix YA LKHAOUA !… Lire sur une plaque QUACENTINA à la place de CONSTANTINE est pour moi un non-sens.

Oui, posons les fameux jalons : En 1962, il y avait, allez à la louche, presque 10 millions d’Algériens… Aucune statistique officielle nous donne exactement le taux d’alphabétisation de ceux que l’on appelait EMMSSAKANES “LES INDIGENES”. Mais, tout le monde est d’accord pour reconnaître que ce taux était plus près de 100 que de 0. Là, tout le monde est d’accord. Mais gageons d’un fait tangible : tous les Algériens parlaient l’arabe et comprenaient le français. Bien sûr qu’on comprenait le français. Je me souviens que même dans les campagnes, la vieille dame de 70 ans pouvait se faire comprendre à la mairie, je n’invente rien. J’avais 9 ans en 1962 et j’ai vu l’une des cousines de ma grand-mère dans un petit village près de Constantine, allez je plonge et je vous donne le nom OULED RAHMOUN pour ceux qui connaissent, oui, cette cousine, de prime abord illettrée OILLAH, je l’ai vue MESKINNA, parler un français que le préposé de la poste comprenait. Quand elle allait pour retirer la pension de son époux, le préposé n’avait pas intérêt à lui refiler des timbres à la place d’espèces sonnantes et trébuchantes.

Ceci est pour la caricature. Le drame, c’est que l’on a voulu très vite, nous faire apprendre un arabe que je ne comprenais pas. Je me souviens que ma première année d’arabe en 5° du lycée Ben Boulaïd de Batna, on nous gavaient de notions d’arabe, comme si, durant nos 7 premières années de l’école primaire, on avait appris l’arabe !… C’est vous dire le résultat.

Pour ma génération, passe encore, on avait des rudiments d’arabe et avec notre instruction en français, on arrivait à concilier les 2 langues. Quoi que la délivrance est arrivée lorsque nous sautions le pas pour rentrer à l’université. Pour ma part un institut de formation agricole. Parce que là, l’arabe est confiné dans un rôle, enfin un petit rôle et nous mordions dans les sciences (en français) à pleines dents.

Non, le pire, c’est lorsque l’État, EL HOUKOUMA a commencé à imposer l’arabe comme seule langue à nos enfants. Là, franchement, j’ai eu du mal à comprendre. Un ARABE à la OUMROU EL KHEISS auquel j’y comprenais que dalle, sauf un début de poésie que je me demande encore comment j’ai pu faire pour apprendre les 2 premières strophes :

LAKAITOUHA LAITANI MA KOUNTOU ALKAHA TAMCHI OIKADE (je ne sais plus rien du reste…) Non, mon arabe à moi n’était pas celui-là. L’arabe que me parlait ma mère n’était pas celui-là. Par exemple, je vais vous citer une phrase en ARABE que ma mère ou la vôtre peut prononcer mais hélas sans un mot en ARABE : Jugez-en par vous-mêmes : KRAZATOU ATOUMOUBILE RAMASSAOUAHE MOURSSOUATES MOURSSOUATES ! … Non, franchement, ya-t-il un mot en arabe dans cette phrase. Et pourtant tout le monde a compris que le malheureux a été écrasé par une voiture et que l’on a ramassé morceaux par morceaux pour ne pas dire à la petite cuillère.

J’ai voulu vous entretenir de cela avec illustration pour vous montrer la gabegie qui a dicté les faits et gestes de nos responsables. Franchement, on avait pas du tout les instruments valides pour mettre en chantier l’arabe que nous appelons CLASSIQUE. Et on a plongé, ou du moins nos responsables n’ont pas hésité à plonger tout un peuple dans une ineptie dont on parlera encore à la fin de ce siècle qui débute.

Pourtant, on avait d’autres atouts à faire valoir. On avait un environnement français, on vivait français, on respirait français (savez-vous qu’un coup de Simoun bien fort amène du sable jusqu’à Marseille) ceci pour le cliché, on avait qu’à prendre ce que l’on avait et le parfaire. Non, nos responsables ont pensé que c’était la langue de l’occupant LÉGITIMEMENT chassé du pays et qu’il fallait se démarquer : Quelle erreur, c’était mon profond sentiment depuis le début et l’actualité est en train de me conforter dans ma position. Pourtant, à l’époque où l’on essayait de dire, quelques fois sous cape, que c’était une erreur d’abandonner le français, on était taxés de tout. On était les Harkas de la langue.

Oui, on était les Harkas de la langue mais la réalité nous interpellait chaque jour. Les étudiants que nous accueillons à l’Université avaient poursuivi toute leur scolarité en arabe et nous enseignons en français. Eh bien, foin de décrets présidentiels ou autres, nos étudiants suivaient les cours en français. On s’arrangeait comme on le pouvait et à la fin du cursus, ces mêmes étudiants qui étaient transis de peur en première année à l’idée d’affronter des cours en français, étaient fiers de présenter des thèses rédigées en français et la vie continuait. Il y a en a eu mêmes de ces étudiants qui avaient bénéficié de bourses en France où ils se sont bien débrouillés : Où est l’erreur, je la cherche encore…

C’est vous dire que le gâchis a été incommensurable et ce qui me fait peur c’est que les générations futures vont être cloisonnées strictement à l’arabe. Nous enseignants francophones (ne pas confondre avec francophiles) nous sommes hélas, une espèce en voie de disparition et j’ai bien peur que mon pays, que notre pays, soit confiné à un environnement arabophone , avouons-le limité. Quel gâchis aussi lorsque l’on voit la position de l’Algérie sur un planisphère. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, je ne plonge pas dans un narcissisme démesuré, mais l’Algérie, simplement pas sa position géographique peut jouer un rôle déterminant dans la géopolitique du 3° millénaire. Aux portes de l’Afrique, à un jet de pierres de l’Europe, elle peut, de part sa position, influer sur les décideurs de tous bords et tirer de cet atout non négligeable, des énergies qui seront les locomotives de demain. Même les pays, traditionnellement arabes, se tournent placidement vers l’anglais, vers le français pour donner une impulsion à leur développement. Alors !… Au lieu de cela, on assiste à une politique de l’autruche menée par des technocrates dont la seule ambition se limite à une gestion rigoureuse de leurs carrières professionnelles. Je peux vous parler longuement à ce sujet. Mais, je reste convaincu que le débat reste ouvert, Je m’en remets à vous, lecteurs du jour, afin de l’enrichir. Je reviendrai pour ma part sur les langues régionales qui occupent à elles seules tout un pan de la réflexion, mais contentons-nous ce jour d’amorcer ce débat et je reste convaincu que mon point de vue n’est pas isolé et qu’on peut, à travers ce forum, interpeller nos dirigeants pour leur poser les vraies questions de l’heure à ce sujet. Quelle est la langue idoine pour notre pays ? Devrons-nous créer une langue bâtarde FRANCARABIA pour nous entendre avec le reste du monde ? Je ne sais plus quoi vous dire. Mais le constat est là, la pâte est entre nos mains, à nous de la pétrir pour que les générations futures ne soient pas incomprises des autres peuples qui peuplent notre planète et qu’elles puissent évoluer en harmonie avec eux. J’attends vos réflexions.

Badreddine Benyoucef.

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